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Pauvre Jeanne. Si elle avait su qu’on la mangerait plus tard à toutes les sauces, peut-être aurait-elle tout simplement décidé de laisser la France aux Anglais. Condamnée à mort par l’Église, oubliée pendant quatre siècles à tel point qu’à Rouen on crut se souvenir qu’elle avait été brûlée sur une place que l’on nomma place de la Pucelle, elle fera au XIXe siècle l’objet de toutes sortes de récupérations, laïque, religieuse, monarchiste, patriotique, nationaliste, voire ethnique. L’Église la béatifie en 1909, la canonise en 1920. Le culte religieux déclinera après la seconde guerre mondiale. Utilisée par la propagande vichyssoise qui lui laisse après la guerre une image peu flatteuse, notre héroïne nationale n’intéresse désormais plus guère que les partis d’extrême droite et les groupuscules néo-nazis.

Nous ne connaissons pas la véritable date de naissance de Jeanne d’Arc, pas grand chose non plus de sa première vie. Sa commémoration se déroule en mai, le 13 mai cette année, une date finalement postérieure aux élections présidentielles (la commémoration a été repoussée d’une semaine). En utilisant le 1er mai, le Front National n’avait d’autre but que de s’approprier les valeurs patriotiques véhiculées par notre personnage. Ce choix était excellent. Il permettait au Front National de profiter de l’élan populaire du 1er mai, de marquer les esprits par l’utilisation du fort symbole mémoriel que représente Jeanne d’Arc, et enfin de s’aménager une intervention médiatique remarquable lors des élections présidentielles. Si, depuis le décès de Georges Pompidou, les élections présidentielles ne s’étaient pas transportées dans cette période de l’année, nous n’aurions certainement jamais entendu parler de commémoration de Jeanne d’Arc en ce 1er mai. Nous avons donc affaire à une imposture, une récupération idéologique dans la droite ligne des héritages du XIXe siècle. Rien de neuf finalement, rien de bien original non plus.

Ici, par le passé, à Préaux, dans notre commune comme partout en France, une représentation de Jeanne d’Arc trônait dans notre église. Aujourd’hui il n’en est plus question. L’état de délabrement de la sculpture, les valeurs véhiculées, l’ont fait rejoindre un sombre placard de l’église d’où elle ne sortira plus. Ce beau visage tourné vers le mur ne contemplera plus guère que de vieux souvenirs, ceux d’une époque révolue que l’extrême droite ne parviendra pas à imposer à nouveau.

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